
Courageusement, il cavalait à travers champs
Tel un pur sang, il galopait vers le soleil couchant.
Il connaissait par coeur ces prairies, Cette forêt où il avait grandi...
Aujourd'hui il fendait à perdre haleine
Cette terre riche de fougères et de nobles chênes. Ses sabots martelaient la mousse et les buissons,
Tandis que le suppliciaient des ronces aux saillants aiguillons.
Dans sa fuite, l'ampleur de ses bois le gênait :
Ces bois qui lui allouaient fierté et dignité.
Les jappements n'étaient plus qu'à trois pas, peut-être moins.
Dans son dos, le cerf appréhendait le souffle rauque du chien.
Lassé, éreinté, il s'immobilisa et fit face
Emotion humaine : des larmes coulaient abondantes et tenaces...
- "A quoi bon cet acharnement et cette férocité ? Tout gibier ne peut-il vivre et exister
Sans la crainte d'être traqué
Et pour les chasseurs n'être qu'un jouet ?
L'homme qui t'éduque ne t'a-t-il enseigné
Que jeu de piste, affût et hostilité ?"
- "De mon maître, je ne suis que l'appui.
Je désapprouve et j'exècre tout ceci
Mais je ne dois désobéir à la main qui me nourrit. Tu es né cerf, je suis né épagneul, à chacun sa vie.
Néanmoins, je brûle de te savoir sain et sauf :
Décampe, presse-toi, fuis, évitons la catastrophe,
Je serai certes battu, enchaîné, privé de pitance
Mais me voici libéré et repu de quiétude à outrance."
|